Lorsque que nous quittons les pirates de Coquimbo, au Chili, on est chaud-patate. Nous remontons au Nord et, enfin, bifurquons vers l’est, vers le Brésil. Plaisir de voir le soleil sous un angle nouveau ! A Calama, 2 baisers d’inconnues font rougir notre Vaca et lui souhaitent bonne route sur le dos du dragon.
Le Paso Jama va nous faire franchir la Cordillère des Andes a plus de 5 000 mètres. Et nous partons lestés de 60 litres d’essence, les bombas ne sont pas légion dans la région. Une voiture de la Marea Roja chilienne nous monte 20 L qu’ils déposent à la frontière – malheureusement disparus à notre arrivée 3 heures plus tard. Peu importe, merci pour la commission. Les 3 heures de montée se font en première et à 20 km/h. On se demande si ça va passer quand nous commençons à doubler les camions : on est large ! Si eux passent, nous passerons le Paso.
Et nous le passons. En compagnie de Catherine et Florian et d’une flopée de supporters en feu. Nous en prenons administrativement 4 en stop pour qu’ils puissent entrer en Argentine, jouons avec 4 autres à la tombée de la nuit, ils attendent leur Combi VW qui ne pouvait pas monter les 6 passagers. Ils sont venus confortablement installés dans une voiture neuve…perchés sur un camion de transport.
Les camioneros sont sympas dans le coin. A Susques, premier village argentin, l’un d’eux aime tellement notre Vaca qu’il en embarque un jarret en souvenir. Klaxons, cris, échange de mots doux, et tout le monde finit au poste. Formalités inutiles pour un accrochage entre un camion paraguayen et une voiture française sur le sol argentin. Toujours est-il que nous ne pouvons pas repartir, il est minuit et -5°C passés, et l’aile touche le pneu. Nous sommes très divisés sur nos chances de rejoindre le Brésil à temps, chacun dort de son côté, nous y verrons plus clair demain.
Avec le soleil viennent les solutions. Le phare est scotché et l’aile démontée. Le tuyau de remplissage du réservoir, légèrement plié, ne présente aucune fuite. La drisse qui soutenait récemment le tube de direction, à peine remisée, est ressortie pour maintenir le-dit tuyau. Et qu’ça roule ! 1 669 km jusqu’à la frontière, dont 300 km dans les Andes, et 25 heures avant le début du Mondial : tout est dans les pistons de notre Vaca.
D’abord le dragon. Nous remercions vite le boucher de nous avoir offert ce spectacle de jour. Le côté argentin est violent, massif, majestueux. La montagne semble sortie d’Holi, la fête des couleurs indienne. Les Oh ! succèdent aux Ah !, les courbes aux épingles, et nous atterrissons sur la plaine Argentine à la tombée de la nuit.
Resistencia ! Le nom résonne comme un mantra pendant 10h : 700 km et l’objectif d’atteindre la ville au lever du soleil pour rester dans les temps. 10h aux limites de la voiture, à slalomer dans les poulaillers disséminés sur les interminables lignes droites de la pampa – la Vaca en gardera une jante pliée. On y sera ! Resistencia ! Résistance, aussi, à la première tentative de corruption cette nuit là…
Pompes à essence, pompes à air (la jante), changements de conducteur en courant. La Vaca crépite à n’en plus pouvoir, on lui retire ses joues d’ailes pour améliorer l’aération. On l’encourage, la supplie, lui promet un repos proche – mais pas encore éternel, s’il te plaît. Les contrôles de police répétés sont un supplice, on alterne entre impatience agacée et collaboration ciblée, good cop bad cop et pas l’temps pour les amabilités.
Et… enfin ! Santo Tomé, Puente Internacional, 15h04. 4 minutes de retard ? Non, on nous dit que le match est à 17h, on s’est un peu perdus dans les fuseaux horaires. On a même le temps de remplir les formalités douanières avant de s’installer, 22 276 km et 107 jours plus tard, au milieu de brasilenos bouillants. Dans 13 minutes la Copa commence. Pour nous l’échauffement est fini. Place au Grand Match.