World Coach Colombianitos, jouer pour rouler droit

Les Colombianitos et World Coach Colombia sont deux ONG partageant un but commun : faire jouer les enfants pour développer leur pays. Rencontres sur place.

World Coach Sonrisas

« Le football est comme la vie, comme la vie en 90 minutes ! » Au bord d’une rue de Puerto Tejada transformée en city stade éphémère, un gamin lâche son cri du cœur. Trois jours plus tard, c’est le long d’un rectangle mal tondu, perché à près de 3 000 mètres dans les Andes, qu’un autre jeune jugador colombien livre sa leçon : « dans la vie, si tu le veux vraiment, tu peux tout avoir. » Lui, son rêve s’appelle Europe, pour y jouer en tant que professionnel. Le premier court avec les Colombianitos à Puerto Tejada, à une trentaine de kilomètres de Cali ; le second porte la chasuble World Coach Colombia, dans les plateaux du Sud du pays. Deux approches différentes du travail social permis par le ballon, mais un même objectif : permettre aux enfants de rouler droit.

Football des villes et football des champs

La Fundación Colombianitos et l’Organización World Coach Colombia, c’est un peu football des villes et football des champs : d’un côté les quartiers, de l’autre les communautés indigènes. Avec près de 10 000 jeunes suivis à travers le pays, les deux ONG colombiennes assurent un maillage efficace du territoire, de Cartagena à Ipiales en passant par Bogotá ou Cali. Dans chaque zone, un mode de fonctionnement commun : l’implication des membres les plus influents de la communauté ou des jeunes les plus proactifs pour indiquer la direction du développement à tous, pour tous. Pour que chacun comprenne qu’il a un rôle à jouer dans la construction collective.

À Puerto Tejada, Kevin est ainsi passé de joueur à lider au sein des Colombianitos : « j’ai commencé à jouer avec les Colombianitos à cinq ans. Plus tard, ils ont vu que j’avais des capacités pour aider les plus jeunes, alors ils m’ont proposé d’être éducateur, pour que je puisse continuer à les guider. » Et que leur apprend-t-il, à ses cadets ? Que « lorsqu’un coéquipier chute, il faut toujours lui tendre la main. Toujours penser au collectif, ne jamais oublier de s’entraider pour pouvoir faire de nous de meilleures personnes. » Maria Antonia, directrice du programme qui offre une licence de joueur officielle à ceux qui seront assidus à l’école et aux cours du soir proposés par l’association, continue : « économiquement, c’est une zone compliquée, il y a beaucoup d’enfants issus de familles éclatées. Mais ils sont heureux de venir, car c’est un endroit où ils se sentent en sécurité. Et les entraîneurs, avant chaque entraînement, doivent discuter avec les enfants autour des valeurs du foot. »

Piercing pelota pour Colombianita

Terrains verts et bons chemins

Plus au sud et plus en altitude, Sergio de World Coach Colombia revient sur la finalité de l’action : « il y a certaines vices qui détournent les jeunes vers d’autres chemins, vers le chemin de l’alcool, de la drogue, des gangs, des groupes armés… Nous les tirons hors de ces mauvais chemins. Ce qu’on essaie de faire avec ces enfants, c’est de les former en tant que personnes. » Et pour cela, rien de mieux qu’un terrain de sport, « espace sacré. Parce qu’ici, ce sont des vies qui sont transformées. »

Que ce soit dans les quartiers difficiles ou dans « les régions de conflits », le foot reste un choix à la fois naturel et… politique. Natalia est sociologue et coordinatrice de l’action de World Coach Colombia à Ipiales. Elle explique la dimension volontariste du jeu : « chacun peut dire non, je refuse mon contexte de violence, moi je vais plutôt jouer au foot, faire du sport. De même, nos entraîneurs sont des personnes influentes, des leaders communautaire qui n’ont pas forcément reçu de formation au sport, mais qui ont cette volonté de travailler avec ces enfants, bénévolement, par pure générosité. » Pour que, peut-être, les adultes de demain puissent transmettre le message et les sensations de Kevin : « dans ma vie, le football est comme un signe de paix. Quand je joue, je me sens plus tranquille, plus sensible. Alors il faut que je continue à jouer. » Et même sans aller jusqu’en Europe.

Texte & photos Eric Carpentier, propos tirés du film PanAmerican Futbol de Pierre Pitoiset

Les Colombianitos et World Coach Colombia sont à croiser entre les pages 148 et 160 du livre Un (voyage en) Ballon